Pourquoi l'expertise médicale des accidentés de la circulation est si couramment faussée ?

Depuis 1985, la loi Badinter prévoit la mise en place d'une expertise médicale, organisée par la Compagnie d'Assurance de toute victime d'un accident de la circulation avec préjudice corporel. Cette expertise est supposée permettre à l'assureur de formuler une proposition d'indemnisation en direction de la victime d'accident. Les conditions de cette expertise demeurent pourtant controversées. Différents paramètres compromettent son impartialité. Un nombre conséquent de victimes de la circulation le comprennent trop tard et à leurs dépens.


Une victime est toujours isolée

À la suite d'un accident de la route, une victime se trouve toujours fragilisée, bouleversée, en état d'infériorité physique et moral. Elle ne dispose pas souvent de l'entourage nécessaire à une bonne défense de ses intérêts. Alors que son avenir est en jeu, que des étapes décisives pour elle (son avenir, ses proches...) se profilent, elle n'est jamais en situation de pouvoir défendre ses intérêts d'égal à égal avec la compagnie d'assurance. L'expertise médicale est pour elle une nouvelle épreuve. Elle est souvent vécue comme un passage « sur le grill », comme une mise à nu de ses blessures et des aspects les plus intimes de son existence.

Au surplus, la plupart du temps, la victime est parfaitement ignorante de ses droits, c'est-à-dire des dispositions légales prévues par le législateur encadrant la réparation de ses préjudices corporels et psychologiques. Par exemple, elle ne sait pas qu'elle est en position de récuser un expert sélectionné par la compagnie d'assurance. Elle ne se doute nullement qu'elle a le droit de s'entourer de son propre médecin de recours. Elle ignore couramment l'ensemble des postes de préjudices qui peuvent faire l'objet d'une indemnisation (nomenclature Dintilhac). Plus grave encore, elle sous-estime naturellement les conséquences pratiques qu'auront les handicaps à caractère définitif tout au long de la vie de la victime, ainsi que sur la vie de ses proches.


L'impartialité de l'expertise médicale toujours compromise

Diligentée par la compagnie d'assurances, selon la loi Badinter, l'expertise médicale n'est pas exempte de tout risque de partialité. En qualité d'organisme payeur, une compagnie d'assurance aura intérêt à minorer un nombre conséquent de préjudices...


L'expert est payé par la compagnie d'assurance

Le médecin expert étant rémunéré par la même compagnie d'assurances, il est difficile d'imaginer qu'il travaille à l'encontre des intérêts de son client... Le risque est conséquent qu'un nombre significatif de dommages corporels ou psychologiques soient sous-estimés voire totalement ignorés.


D'importantes omissions dans la prise en compte des dommages corporels

A l'occasion de l'expertise médicale, le médecin expert se doit de respecter une feuille de route précise. La compagnie d'assurance, ne disposant pour ainsi dire jamais du dossier médical de son client, pourra « enjamber » un certain nombre de dommages et de postes de préjudices. Les futurs besoins en tierces personnes, poste de dépense très important, sont ainsi régulièrement minorés, parfois ignorés.


Absence de respect du contradictoire

L'expertise médicale conduite par la compagnie d'assurance contrevient à la règle générale en droit qui dit que « chacune des parties doit être en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que les adversaires sont susceptibles de lui opposer » . Ici, une victime d'accidents corporels ne bénéficie pas de cette disposition. Les éléments sur lesquels l'expert médical va se prononcer sont fournis presque exclusivement par la compagnie d'assurance.


Un rapport d'expertise visé et parfois corrigé par la compagnie d'assurance

le rapport de l'expert est systématiquement envoyé à l'assureur, qui s'arroge le droit de le corriger à sa façon… C'est une situation courante. Autant dire que cela ne profite jamais à la victime.


Faire appel à un médecin de recours pour faire contrepoids

Le « salut » de la victime passe le plus souvent par le recours à un médecin expert, le médecin de recours, totalement indépendant des compagnies d'assurances, qui préparera l'expertise et veillera à la défense minutieuse des intérêts de son client. Travaillant en équipe avec l'avocat en droit du dommage corporel au service de la victime, il agit comme un contrepoids. Il rétablit largement l'impartialité de l'expertise médicale.